{Avis} The Last Of Us Part II
Note : ce texte est garanti 100% spoil. Si vous n’avez pas encore joué au jeu et que vous souhaitez le découvrir par vous-même : fuyez pauvres fous !
Préambule
Commençons par l’essentiel : The Last Of Us part II est un excellent jeu, l’un de ceux qui marqueront durablement l’époque de la bientôt révolue PlayStation 4. Au delà des chiffres (4 millions de jeux écoulés en 3 jours), il va s’en dire que TLOU2 est tout d’abord incroyablement réalisé : visuellement riche, il fourmille de détails magnifiques qui nous donnent envie de nous arrêter à chaque coin de rue pour simplement observer et s’imprégner du monde qui nous entoure. Le level design (agencement des niveaux) alterne juste comme il faut les phases de grimpette, les caches à découvrir et surtout les espaces majestueux à explorer. Les animations sont également fantastiques et donnent toutes ou presque l’impression d’être uniques : les personnages semblent être animés sur-mesure pour chaque action et zone du jeu.
Riri, Fifi, loo-lootent
Le gameplay (mécaniques de jeu) repose pour beaucoup sur le principe du loot : récupérer des ressources disséminées dans le monde afin de les convertir en munitions ou améliorations diverses pour les armes et les personnages que l’on incarne. De nombreux artefacts et collectibles répartis dans le monde viennent également inciter ces phases de fouilles et racontent au passage l’histoire d’hommes et de femmes dont on croise la route post-mortem.
C’est l’histoire d’un mec…
TLOU2 commence précisément là où nous avait laissé le premier jeu, à Jackson, une providentielle oasis d’humanité dans un monde dévasté. On y retrouve Ellie et Joel et leur relation « père fille » qui avait si bien marché dans le premier jeu. Bref, on est à la maison et ce sentiment de retrouver de vieux amis après une longue absence (7 ans !) fait un bien fou. On retrouve nos marques, les références espérées sont là et c’est finalement comme si le temps ne s’était jamais arrêté.
Critiques
Après 3 paragraphes de louanges et de portes ouvertes (il n’est pas bien difficile de se rendre compte par soi-même des grandes qualités du jeu), je dois avouer que certains aspects m’ont en revanche déçus. Je comprends les choix qui ont été faits ainsi que le besoin de « coller » à la noirceur du monde qui est dépeint, mais néanmoins voici quelques réflexions que je me suis faites au cours de mes parties.
Un monde sans musique
La musique occupe une place centrale de la narration à travers la guitare : comme promis, Joel a appris à Ellie à en jouer. De nombreux flashbacks et moments clefs de la narration tournent autour de ce lien, de cette promesse honorée. Le jeu nous offre même la possibilité de balayer des suites d’accords à différents moments, comme dans le magasin de musique de Seattle, où Ellie interprète une touchante version du très « 80’s » tube Take on me de A-ha. Nous sommes plutôt au début du jeu et ce passage m’a beaucoup plu : simple mais avec ce qu’il faut d’émotion. A posteriori, je n’ai plus ressenti de frisson identique dans le reste du jeu et je le regrette encore. Les thèmes de Gustavo Santaolalla sont moins épiques, plus discrets et bien trop rares à mon goût. Cette sobriété colle effectivement à la teinte sombre qui envahit le jeu au fil de la partie et en cela je le comprends.
L’absence de choix
Construire un jeu autour de sa narration implique de fermer des portes pour ne guider le joueur qu’à travers celles que l’on laisse ouvertes. Le rythme du jeu est ainsi construit autour d’une succession régulière de phases « en entonnoir », dans l’ordre :
- flashback
- exploration / loot
- infiltration puis confrontation
- fuite
Nous avançons dans l’histoire comme dans un entonnoir qui se déverse lui même dans un autre entonnoir. Cette gestion crée une intensité permanente qui donne envie de continuer l’aventure : on explore pour se détendre après avoir bien stressé, ou à l’inverse on cherche le meilleur chemin pour se frayer un passage dans une zone remplie « d’ennemis » (surtout que ça tombe bien, on a eu le temps de faire le plein de munitions dans la zone juste avant). Ce genre de déroulé repose sur une succession de phases dont l’issue est imposée par la narration, sans aucune possibilité pour le joueur d’avoir un impact sur la suite de l’aventure. Par exemple, je regrette que la mort des antagonistes n’impacte pas le déroulé de l’histoire : même en épargnant vos opposants, cela n’aura aucun impact sur la suite de l’aventure. C’est d’autant plus dommage que le jeu met l’accent sur la personnalité de nos victimes, dont les prénoms sont cités à la découverte de leurs corps par leurs compagnons. J’aurais aimé que les zones traversées sans victime soient « valorisées » en fin de partie. J’ai eu l’espoir jusqu’au dénouement final que mes actions (bonnes ou mauvaises) allaient avoir un poids : l’affrontement avec Abby aurait pu être l’occasion de décider en âme et conscience qui d’elle ou d’Ellie devait prendre le dessus. Qui devait ou non en réchapper. On aurait pu imaginer un système de score, où l’impact des croisades respectives aurait confronté les efforts de chacune… ou simplement laisser le joueur décider de l’issue.
Uncharted 5
La fin d’Uncharted 4 voit Nathan Drake se ranger et tirer définitivement un trait sur sa carrière – tout autant obstinée elle aussi – de chasseur de trésors. C’est un moment la fin dépeinte dans TLOU2, lorsqu’Ellie et Dina se retrouvent dans leur ferme retapée, au milieu d’un champ de blé à l’écart de Jackson. Bien qu’évoquée dès le début de leur périple à Seattle (sur le chemin retour vers la porte East 2 « Fuck FEDRA »), cette simili-fin m’a laissé en tant que joueur un sentiment d’échec. J’avais envie de continuer l’aventure. Je devais revoir Abby, il fallait qu’Ellie pardonne à Abby. Il fallait qu’elles comprennent à quel point leurs vies étaient fondamentalement liées. A l’instar d’Ellie, je n’avais pas encore réglé mes comptes avec cette histoire de vengeance et loin de ce happy-end convenu je voulais convertir cette tension accumulée en paix, qu’il en ressorte quelque chose bon, pour une fois. Joie alors que la partie continue pour un dernier acte, au risque de ne pas m’emmener sur le chemin que j’envisageais, celui d’une – impossible – rédemption. Mais TLOU n’est pas Uncharted et l’Histoire où tout va mal ne pouvait pas se finir bien. Ellie n’est plus que l’ombre de sa violence et sous couvert de vengeance enterre définitivement le soupçon d’humanité qui la rendait si attachante. Jusqu’au bout, elle se montre plus violente encore et déterminée que les pires ennemis dont elle aura croisé la route. Sa soif de vengeance n’incarne en rien une soif de justice, juste un déluge de violence incontrôlée, à l’insu du joueur désabusé qui n’a d’autre choix que d’accomplir sa tâche besogneuse. Jusqu’au bout.
This is the end
J’ai aimé The Last Of Us Part II, du début à la fin. Comme souvent quand on aime, ce sont les petits défauts qui font les grandes qualités. En dépit des faiblesses ou des fantasmes inévitables, cette aventure m’a entraîné, bouleversé et par bien des aspects chahuté. Ce n’est pas « notre » aventure que nous vivons, mais bien celle d’Ellie et l’accepter – nous qui pensions la connaître – est certainement plus difficile encore que toutes les souffrances que le jeu nous fait traverser. Un grand tunnel, mais sans lumière au bout.